vendredi 3 octobre 2008

Les 5 jours les plus longs ...

Si ce qui suit vous parait confus, c'est simplement que je ne suis pas encore vraiment capable d'avoir le recul nécessaire pour parler de tout cela sereinement et de développer de manière logique ...

J'avais commencé dimanche soir dernier un billet sur ma fierté d'avoir vu ma fille participer à sa première compétition d'athlétisme ... En effet elle m'avait épatée, non par ses résultats (bien que plus qu'honorables) mais par sa motivation et quelque part son 'courage', sa volonté d'aller au bout de ses efforts.

Mais finalement, je n'ai pas pu publier ce billet car les évènements en ont décidé autrement et de surcroit, au cours de ces derniers jours, ma fille m'a épatée au delà de tout ce qu'il est possible parce que du courage, de la volonté et de la force il lui en a fallu ... et il va lui en falloir encore.

Explications ...

Lundi midi nous avions rendez-vous, elle et moi, devant le supermarché qui est non loin de notre domicile. A 12h10, j'arrive sur le parking, pas de puce à l'horizon, je sais que je suis moins 'en retard' que d'ordinaire, donc je ne m'affole pas outre mesure et vais retirer de l'argent au distributeur. Je suis en train de ranger ma carte dans mon sac quand mon portable sonne. je regarde et ne reconnais pas le numéro. En temps normal, j'aurais laissé sonner mais là, allez savoir pourquoi, je décroche. Et là j'entends :
'Vous êtes la maman de C. ?'
Je réponds par l'affirmative
'Votre fille vient d'être renversée par une voiture devant le cinéma' (à moins de 200 m du supermarché ...)

Le monde qui se dérobe sous vos pieds, vous connaissez cette sensation ? Eh bien j'ai découvert cela à ce moment là ...

Je ne sais plus comment j'ai fait pour conduire ma voiture du parking jusque là bas ...

Je me souviens juste l'avoir garée en vrac le long de la rue, bloquée suite à l'accident, avoir couru, avoir vu la meilleure amie de ma fille en face de moi sur le trottoir s'enfuir en courant en me voyant arriver et avoir tourné la tête et vu ma fille assise au milieu de la voie de l'autre côté, en sang des pieds à la tête, un bus arrêté à quelques mètres d'elle ...

Je me souviens avoir entendu une espèce d'hystérique me dire que c'était la faute de ma fille, qu'elle s'était jetée sur la route et que son mari n'avait pas pu l'éviter ...

Je me souviens avoir appelé mes parents et MME pour les avertir ...

Je me souviens avoir accompagné ma fille dans le véhicule des pompiers où tandis qu'un médecin du SAMU l'examinait, un gendarme me posait des milliards de questions en ne comprenant visiblement pas que j'étais pas forcément en état de répondre.

Je me souviens avoir entendu un deuxième gendarme rejoindre le premier et lui montrer le test d'alcoolémie en lui disant qu'il était litigieux ...

Je me souviens vaguement du transfert aux urgences de l'hôpital de mon bled, de l'arrivée de MME, blême au milieu de la salle d'examens.

Je me souviens de l'annonce du transfert sur le centre hospitalier de Lons le S. pour faire un scanner, du voyage en ambulance, seule avec ma fille, MME étant reparti travailler (no comment).

Arrivées à Lons le S. ma fille monte au scanner, pendant ce temps là je me démêle dans des histoires de paperasse (trois bureaux différents en 1/4 heure ... ). Une fois les bonnes étiquettes de la bonne couleur, avec le bon prénom obtenues, on me conduit enfin au scanner où je retrouve ma fille en larmes sur une civière toute seule dans un couloir sombre ... Et là un mec sort et me balance en vrac des mots que je n'arrive pas à intégrer 'fracture, crâne, hématome, risque hémorragique', transfert CHU Besançon'. J'essaie de comprendre tout en consolant ma fille, mais pas le temps de poser une question qu'il s'est évanoui dans la nature et qu'on nous renvoie aux urgences de l'hôpital ... Là commence une attente de 3 longues heures .au cours de laquelle on se contente de me dire qu'on attend l'avis du service neuro-chirurgie de Besançon ... Je suis toujours toute seule avec ma puce qui somnole, réclame à boire, dit qu'elle ne voit pas clair , que ça lui tape dans la tête ... A 17h45 on nous annonce qu'elle va finalement être transférée au service neuro-chirurgie de Dijon, Besançon ne pouvant l'accueillir.

18 heures, arrivée du SMUR, préparation de ma fille pour le transfert ... Elle discute avec les personnes présentes tandis qu'on la remet sous monitoring, qu'on la rechange de brancard pour la mettre dans une espèce de coque. Je ne voudrais plus jamais avoir à revivre cette scène où l'ambulance se referme sur ma fille si petite, branchée de partout, ceinturée sur un brancard trop grand, l'emportant à une centaine de kilomètres de là sans moi vers l'inconnu ...

J'ai prévenu son père, lui ai donné toutes les coordonnées de l'hôpital dijonnais vu qu'il ne vit qu'à 35 kms de Dijon (et que moi je dois attendre mes parents qui doivent me reposer chez moi pour prendre des affaires pour ensuite filer sur Dijon ... à 110 kms de mon domicile). J'embrasse ma fille et les vois partir. Mes parents me déposent chez moi, je prends le strict minimum et ils m'emmènent sur Dijon. J'angoisse comme une folle et me rassure en me disant que MME doit déjà être sur place, que ma puce ne se retrouve donc pas toute seule là bas ...

Sauf qu'à 50 mètres de l'hôpital bourguignon, mon portable sonne, c'est MME .. je décroche persuadée qu'il va m'annoncer le numéro de chambre, le résultat du scanner fait à l'arrivée, enfin n'importe quoi mais pas ce qu'il va finalement me dire, à savoir 'Alors ils t'ont dit quoi les médecins ?' . J'ai eu du mal à réaliser ... Et lui demande, naïvement 'pourquoi tu me demandes ça ? t'es pas là ?' Question idiote, réponse idiote 'ben non, je pouvais pas venir, je ne peux pas laisser C. et les enfants comme ça'. Ben voyons ... Enfin sur le coup, je suis juste scotchée et raccroche morte d'inquiétude à l'idée que ma fille est toute seule depuis une heure là bas. Nous arrivons enfin à l'hôpital où nous galérons pendant une bonne demi-heure pour être enfin dirigés vers le bon bâtiment (de nuit, le CHU est un labyrinthe... mal éclairé de surcroit), je retrouve enfin ma puce, installée dans un lit. Pas de nouveau scanner de fait, le scanner étant en panne (super, non ?). Mais une surveillance rapprochée ... J'ai pu m'installer avec elle. Et nous avons ainsi passé notre première nuit d'un séjour qui durera finalement 4 jours.

Pour la 'petite histoire', ma puce s'en sort avec, je cite (parce que le vocabulaire médical et moi ça fait au moins trois) : un hématome extra-dural temporal droit avec fracture de la voute cranienne, une fracture des parois du sinus maxillaire droit avec hémosinus, une fracture du plancher de l'orbite droit et de multiples plaies de la face (majoritairement côté droit) ...

Elle est sortie cet après-midi de l'hôpital car l'hématome s'est stabilisé, que les fractures sont bien réelles mais ne nécessitent pas d'intervention. Par contre, elle a interdiction de pratiquer un quelconque sport avant Noël et ne retrouvera pas l'école avant quelques jours (mi octobre si tout va bien). Et puis, bien évidemment, le suivi et les contrôles à faire dans les semaines et mois à venir ...

Sa tête a été jusqu'à avant hier soir un ballon de foot violet sur tout le côté droit, son oeil ne pouvait plus s'ouvrir tant l'oedème était important.

Elle avait des difficultés à mâcher, et même à ouvrir la bouche tant celle-ci était gonflée.

Et pourtant à aucun moment, elle n'a dit qu'elle avait mal, à aucun moment, elle n'a pleuré, sur son sort, à aucun moment elle ne s'est plaint ... Elle a su rester souriante , confiante, elle n'a pas perdu une once de son 'bagout' habituel (du coup, elle s'est fait un véritable fan-club parmi le personnel du service de neurochirurgie).

La nouvelle de son accident s'étant répandue comme une trainée de poudre, ses copains de l'école lui ont fait passer dès mardi midi (par ma mère qui était allée chercher son cartable) une enveloppe pleine de dessins accompagnés d'une carte lui souhaitant un bon rétablissement, d'elle-même, spontanément, elle leur a écrit une réponse en terminant par 'ne vous inquiétez pas, je vais bien'. J'en avais les larmes aux yeux en relisant cela (parce que 'faut que tu corriges mes fautes, maman') parce qu'à ce moment là elle était encore perfusée, sous surveillance rapprochée, n'avait pas encore le droit de se lever et avait le visage totalement déformé.

D'autres larmes me sont venues aux yeux quand j'ai vu son air apeuré en apercevant son reflet dans le miroir le mardi et qu'elle m'a dit qu'elle n'oserait plus jamais se montrer en public ... Appréhension qu'elle va surmonter petit à petit, elle a déjà commencé en acceptant de sortir dans le parc de l'hôpital hier après-midi d'abord, puis en allant spontanément dire bonjour à mes collègues en arrivant chez mes parents cet après-midi.

Pour la 'petite histoire' (bis), les circonstances de l'accident sont assez nébuleuses, mais par contre, il est une chose qui est sûre c'est que ma fille a été projetée sur le pare brise du 4x4 qui l'a 'chargée' puis qu'elle a volé plusieurs mètres plus loin, sur la voie d'en face ... là où arrivait le bus qui aurait pu finalement l'écraser si la conductrice n'avait pas freiné à temps ... Elle s'en sort donc plutôt bien ...

Et pour la 'petite histoire' (ter), MME est venu lundi midi une petite heure aux urgences de l'hôpital de mon bled ... puis est passé une heure mardi soir à Dijon ... En dehors de cela, un sms mardi matin pour annoncer sa venue le soir même (aucune nouvelle demandée ce matin là, après la première nuit qui était pourtant 'critique') et deux coups de fil dans la semaine ... Et dire que ça s'appelle un père ...

Enfin pour l'heure, l'important c'est que ma puce se remette. Demain nous irons à la gendarmerie pour son audition, moment au cours duquel elle va devoir ressasser encore cette histoire, mais pour l'instant, elle dort sereinement entourée de ses ours en peluche ...

J'ai une fille merveilleuse et courageuse, une petite puce d'à peine 1m26 qui a su être plus forte que je n'aurais peut-être su l'être à sa place, j'ai une fille que j'aime et que j'aurais pu perdre à cause de son insouciance (mais peut-on reprocher l'insouciance à une enfant de pas 10 ans ?) et d'un abruti qui n'a pas su/pu l'éviter.

La vie est fragile, c'est souvent un combat, mais ma fille est un vaillant petit soldat ... Petit soldat qui aurait peut-être pu échapper à ce combat si je n'avais pas décidé de la laisser rentrer seule de l'école, si elle n'avait pas pris un chemin inhabituel 'parce que je voulais ramasser des marrons maman', si elle avait regardé une deuxième fois sur sa gauche avant de traverser la rue ...

Je donnerais tout pour lui éviter la souffrance, j'aurais tout donné cette semaine pour avoir mal à sa place. On m'accuse souvent de la sur-protéger mais au final, cette fois-ci je n'ai pas su la protéger, parce que je ne peux pas toujours être là pour surveiller, parce que je dois et peux lui faire confiance, parce qu'il faut qu'elle apprenne ce qu'est la vie, qu'elle fasse ses propres expériences, ses propres erreurs ... Mais pourvu que ses prochaines erreurs soient moins douloureuses pour elle ... Et pourvu que celle-ci en plus de l'avoir temporairement "abimée" extérieurement ne l'ait pas trop blessée "intérieurement" ...

Pour terminer, rapidement, je remercie les personnes qui ont été présentes par leurs messages, notamment ma presque jumelle (qui a été là comme toujours et qui a su m'apporter son soutien et son écoute), JM-Vol de Nuit et Virginie ... On imagine mal à quel point de simples mots peuvent faire plaisir parfois.

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